De l’inclination des pétales est un livre inclassable, inouï, fascinant, ciselé et puissant, volcanique, qui ne pourra pas vous laisser indifférent et qui m’a follement réjouie et comblée. Mélange d’anecdotes truculentes et de réflexions à fleur de peau, il peut se lire au hasard des envies, et de droite à gauche comme les mangas. Chaque « chapitre » est un savant mélange de la culture nippone et l’occidentale. Le narrateur se balade comme sur un fil tendu sur lequel il fait des pirouettes entre les deux mondes, les deux cultures, les deux esprits. Amateurs du Japon et de l’érotisme, vous saurez apprécier l’harmonie de la composition ainsi donnée, où les fleurs ont des vagins et où les ciseaux entaillent les tiges comme les chairs.

Le narrateur nous entraîne dans ce livre au gré des saisons de l’Archipel, dégustant tour à tour des pétales et des vulves, pleurant sous la pluie, citant Montherlant et Tanizaki, goûtant des lombrics, transpirant sous les lucioles, et autres délices plus crus. Trublion espiègle et facétieux, clown triste à la dérive de ses penchants de débauché assumé et repentant, il nous guide à travers cette invitation au voyage joyeux et fantasque. Ne ratez surtout pas les notes de bas de page, qui définissent les mots traditionnels japonais et se terminent par une pointe lubrique, mais toujours avec subtilité.
C’est bien là le grand talent de cet auteur nouveau-né, que de parler du sale avec de si belles phrases. Les cochoncetés les plus obscènes ont toujours sous sa plume une finesse de peau ou de thé matcha, une humilité aussi, car son propos n’est jamais prétentieux ni précieux, à l’instar de toute pratique artistique japonaise. Le désir est vu comme un travers de débauché et que la pureté de la fleur ou du corps de la femme peut seule apaiser ou exorciser. Mais il n’y a pas de rédemption à espérer, parce que l’humain est irrécupérable. Il n’y a que dans l’écriture et dans la composition florale, comme un Baudelaire faisant du yoga, que l’homme au cœur dévoré par les femmes japonaises peut un instant sublimer sa nature éruptive.
J’ai particulièrement aimé la partie intitulée « Une fille sans visage, mon plaisir coupable et les dernières gouttes de pluie », pour la mélancolie nostalgique qui s’en dégage, et la réflexion sur le vice qui la conclut. Mais il y a dans toute l’œuvre ce même mélange détonnant de poésie crue, de spiritualité farcesque, que le narrateur, à la fois trublion et philosophe, nous invite à partager avec lui, comme une caricature de guide touristique enfin original. J’ai ri, vibré, appris, aussi, j’ai été émue, touchée, excitée, intriguée au fil des pages et parfois tout en même temps.
Voilà en tout cas par ce roman la preuve que la littérature érotique commence avant tout par le mot « littérature ». Et je vous laisse avec cette phrase que je trouve très belle sur la dernière page de l’ouvrage : « En regardant couler mon sang impur dans la lumière parfaite du matin, j’ai ressenti plus clairement que jamais la profondeur des abysses qui sépareront toujours les hommes et les fleurs sacrifiées sur l’autel de l’Ikebana. »

Aller au livre « De l’inclination des pétales »/Kaben no yoku.

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